Статьи из парижского журнала "Военная Быль" (1952-1974). Издавался Обще-Кадетским Объединением под редакцией А.А. Геринга
Thursday November 21st 2024

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LA DENATURATION DU PASSÉ. – Nicolas Rerberg



Une revue illustrée paraissant à Paris, a publié il y a quelques années un article très intéressant, sur la diffusion de linstruction élémentaire dans la Russie dautrefois.

Lénine et lEncyclopédie Soviétique évaluaient à 27 %, en 1917, le nombre de citoyens sachant lire et écrire. La fausseté de cette statistique est évidente rien que par le fait quil n’est tenu compte que des certificats des écoles primaires (4 années détude) du «Zemstvo» (administrations rurales et locales) et que les diplômes des écoles paroissiales sont passés sous silence.

Т.К. Tchoukovsky compte en 1917 64 0/o de citoyens sachant lire et écrire, ce pourcentage ne concernant que la Russie dEurope et ne comprenant ni les élèves des petites écoles rurales, ni ceux qui suivaient des études chez soi, ni les coldats rentrés de leur service. Ce seront ces derniers qui feront lobjet de cet article.

Lauteur de ces lignes fut nommé en 1898 adjoint à lofficier, chef des recrues de la 18-ème Batterie de l’artillerie montée. Il nen rentrait pas beaucoup par an, soit environ 35-40 hommes. A lépoque le service dans l’artillerie montée durait cinq ans. Il faut remarquer que ces conscrits venaient des districts qui nen fournissaient point, à la Garde. Ils étaient tous des hommes délite et le pourcentage des illettrés nétait pas important pour ces temps-là, mais atteignait toutefois 50 °/e. Les cours dinstruction générale seffectuaient dans les écoles des batteries. La batterie dans laquelle débuta lauteur de larticle, possédait deux écoles: lune pour les canonniers ayant déjà fait du service, lautre pour les jeunes recrues .Les aptitudes pédagogiques de lofficier chef des conscrits, étaient remarquables. Plus tard, diplômé de l’Ecole Supérieure de Droit, il se consacra entièrement à lenseignement. Dans ces conditions, aucun des soldats qui terminaient son service nétaient plus illettrés. Un pourcentage élevé atteignait même de fort bons résultats; tous pouvaient lire, écrire, connaissaient les 4 règles darithmétique et pouvaient résoudre des problèmes.

La batterie tenait une statistique précise des hommes alphabétisés; leur pourcentage séleva en 1903 de 50 °/c à 65%, ce qui confirme la croissance rapide de lalphabétisation en Russie.

Empêché pendant 6 ans par les obligations de son service (participation à la guerre russo-japonaise, études aux Ecoles spéciales dOfficiers de Cavalerie et dArtillerie) de poursuivre lenseignement des recrues, lauteur de cet article fut nommé en 1913 commandant de la 13-ème batterie de l’artillerie montée. Il saperçut al’ors que le besoin décole primaire dans la batterie était dépassé: il ny avait plus que des cas uniques dillettrés parmi les conscrits; ces cas étaient confiés à des «mentors» (on décignait sus ce nom les professeurs des jeunes soldats).

Le poste de lofficier, chef des recrues était occupé dans cette batterie par un officier qui avait choisi cette fonction par vocation et qui le conserva à partir du grade de sous-lieutenant à celui de capitaine inclusivement. Il ne sagissait plus du tout dalphabétisation, mais de léducation morale du soldat…

Voici le régime qui sétait établi dans la 13-ème Batterie. Pendant le premier mois de leur service les conscrits nétaient pas répartis par sections (sauf pour les soins des chevaux), mais réunis en équipe isolée. Le chef des recrues, dès les premiers jours de leur arrivée, les appelait séparément pour un entretien et enregistrait dans un cahier toute la «biographie» de chacun, notamment sa situation de famille, sa condition etc., de façon à pouvoir créer un rapprochement individuel avec chacun des jeunes soldats.

Le vieil adjudant-chef, Afanassii Pétrovitch, savait instaurer dans la batterie un régime patriarcal. Ainsi, l’orsquun des hommes se montrait négligent dans son service et devenait «cafardeux», il était convié à «venir prendre une tasse de thé» chez le brave adjudant qui sentretenait avec lui de son village, de sa famille etc. Cela suffisait pour que linvité se corrige, ne désirant pas chagriner Afanasii Pétrovitch.

La batterie ne comptait aucun élément délinquant; tous ses hommes étaient des paysans des départements de la Petite-Russie et ladjudantchef — petit propriétaire rural du département de Kherson.

Cette batterie suivait encore une autre tradition digne dimitation: au moment des fêtes de Pâques, le commandant de la batterie et tous ses officiers venaient en premier lieu rendre visite à leur adjudant-chef; toute «l’aristocratie» de la batterie sy présentait également, notamment les chefs des sections, les sous-officiers, les scribes, le fourrier. Lepouse de ladiudant-chef savait bien régaler son mondeLe corps des officiers surpassait tous les éloges. Le destin valut à lauteur de ces lignes de demeurer leur unique survivant) et il gardera toujours pieusement en sa mémoire leur souvenir. De tels rapports entre les cadres, ladjudant-chef et les hommes permirent de navoir recours à des sanctions disciplinaires que dans de très rares occasions (il se trouvait parfois quand même quelques fainéants). Le général venu inspecter la Batterie (jusquen 1910 l’artillerie était subordonnée au commandant d’artillerie du corps darmée) narrivait pas à concevoir la raison pour laquelle presquaucune sanction ne se trouvait enregistrée dans le journal et semblait assez incrédule devant le rapport de lauteur signalant quaucune sanction navait jamais été prise sans avoir au préalable été enregistrée.

Voici la petite illustration dune revue effectuée par le général Broussilov, commandant du XlVème Corps dArmée (ensuite commandant du Xllème Corps dArmée), Le général passe en revue les recrues de la batterie: «Ton nom?» — «Tkatchouk, mon général» — «De quel département viens-tu?» — «Sauf votre respect, sans men vanter, du département de Vitebsk». Le général poursuit son chemin et sarrête devant un très beau gaillard: «Est-ce bon de servir sous les drapeaux?» — «C’est  exact, mon général, on samuse bien»… Appréciation du général Broussilov: «Comme il est important que les yeux des soldats soient pleins de bonne humeur, comme chez tous vos gaillards»…

En conclusion — Que les mérites de l’Armée Impériale peuvent être immense devant la Russie encore en temps de paix, puisquen dehors de linstruction spéciale donnée au soldat, elle réalisait également une œuvre culturelle grandiose!

A. LevitzkyLa prestation de serment dans l’armée russeLe Colonel Rerberg fait défiler son régiment sur la place d’armes et les spectateurs assistent à un spectacle unique par sa grandeur: la prestation de serment par les recrues du 3-ème Régiment des Grenadiers de Pernov du Roi FrédéricGuillaume IV.

Six petites tables symétriques, recouvertes de napperons blancs, sont disposées au centre de la place. Le porte-drapeau, Arthur Stepine, se tient à quelque distance en face de ces tables, avec le drapeau du régiment; un assistant est à ses côtés. Peu à peu, après quelques manœuvres, des carrés bien alignés, dune tenue impeccable, de grenadiers de Pernov se forment de lautre côté de chacune des tables.

Ensuite apparaissent devant chaque table les serviteurs des différents cultes. Laumônier du régiment se place avec la Sainte Croix et lEvangile en face de la première table devant laquelle saligne le carré le plus important des recrues. Le prêtre catholique se place en face de la seconde table, le pasteur luthérien — en face de la troisième, le mulla musulman — en face de la quatrième, le rabbin juif — en face de la cinquième, al’ors quil ny a personne en face de la sixième table, à lexception de deux grenadiers.

La cérémonie de prestation de serment commence… Arthur Stepine savance avec son drapeau vers la table des grenadiers orthodoxes; il faut remarquer que son véritable nom était Stoping; il est finnois et luthérien, mais il exécute néanmoins avec brio sa fonction de porte-drapeau.

Entre-temps, le Colonel savance vers la sixième table et lon assiste à une cérémonie extraordinaire qui ne pouvait se produire que dans la Russie dautrefois. Les deux grenadiers de religion païenne sortent de leurs poches des petits rouleaux et défont méticuleusement les chiffons qui les entourent. Lon voit al’ors apparaître deux petites «idoles» sculptées dans du bois et enduites de graisse. Les deux «dieux-idoles» en bois sont installés sur la table entre les deux recrues et le Colonel et c’est al’ors que ce dernier, en tant que chef suprême aux yeux de ces deux hommes, fait prêter serment aux deux grenadiers de servir le Tsar et la Russie «selon les principes du droit divin et de la loyauté».

La cérémonie terminée, les serviteurs des cultes se retirèrent, les recrues rentrèrent dans leurs rangs et le régiment regagna ses casernes en un repli onduleux.

Nicolas Rerberg

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