Si le début du XVIIème siècle a été caractérisé par des désordres et des guerres religieuses en Europe, sa fin a été marquée par le triomphe général de l’absolutisme; toutes les forces créatrices et toutes les ressources de l’Etat ayant été de plus en plus concentrées dans les mains du Souverain Monarque, le meilleur exemple de cet état de choses étant «le Roi Soleil» LouisXIV qui, de son Palais de Versailles nouvellement reconstruit, gouvernait la FRANCE en monarque absolu, disant de lui-même: «l’Etat, c’est Moi».
Ce n’est pas par hasard que cette époque a été marquée par l’institution de nouveaux, ou la «rénovation» des anciens ordres de chevalerie. Ces ordres nouveaux n’avaient évidemment rien de commun avec les anciens ordres de chevalerie qui avaient par ailleurs cessé dexister. C’étaient des décorations et des médaillles qui n’avaient que la forme des croix et des étoiles jadis portées par les chevaliers. Ces ordres étaient généralement institués par les monarques. Le saint patron de ces ordres était généralement choisi parmi les saints ou les saintes et par un curieux hasard correspondait souvent au nom du souverain qui les instituait ou à la rigueur au prénom de son épouse. Ces récompenses étaient attribuées à des hauts fonctionnaires d’état qui étaient ainsi distingués de la masse de la noblesse. Leurs porteurs étaient ainsi visiblement remarqués comme appartenant à «l’assemblée des Elus».
Au lever royal ou bien aux réunions solennelles ces nouveaux dignitaires, parfois de basse extraction ou dorigine étrangère arboraient des croix et des «chevaleries» avaient préséance sur certaines vieilles familles féodales.
Il nous faut dire que l’institution de ces ordres était non seulement utile mais progressive et rationnelle.
En RUSSIE, le grade ou l’ordre de chevalerie fut introduit à cette même époque et constituait lune des innovations que PIERRE LE GRAND emprunta à lOccident. Elle avait dautant moins de commun avec les anciens ordres de chevalerie que ces derniers n’avaient jamais existé en RUSSIE et que lidée même de décorer un laïc dune croix (de forme latine par surcroît) qui devait être portée sur la poitrine aurait été incompatible avec lesprit qui régnait en RUSSIE avant PIERRE LE GRAND.
Bien que les ordres apparurent en RUSSIE en même temps que les barbes des boyards disparaissaient, selon la volonté du Tzar ce nétait pas en contradiction avec une certaine réalité historique. A cette même époque un processus
de concentration de toutes les forces créatrices du pays autour du monarque apparut en RUSSIE, et les ordres furent nécessaires à PIERRE LE GRAND pour honorer ses compagnons darmes et rabattre l’orgueil des boyards. De même, au moment des réformes de PIERRE LE GRAND les décorations et les «chevaleries» devinrent en Occident une partie intégrante du costume porté par les hauts dignitaires. Les ayant vêtu selon la mode allemande, le Tzar estima quil serait utile de créer en RUSSIE l’ordre de chevalier.
Le premier de ces ordres fut institué le 30 Novembre 1698, cest à dire 5 ans après la création de l’ordre de St LOUIS par Louis XIV et 3 ans avant celui de lAigle Noir en PRUSSE. PIERRE 1er choisi comme saint patron de ce premier ordre lapôtre St André dénommé «le premier élu».
Comme tout ce qui a été fait dans lœuvre de cet homme remarquable, cet ordre avait un cachet particulier de beauté et de majesté. Sans avoir de tradition héraldique, PIERRE 1er sut créer un ordre russe qui na jamais été surpassé et resta à jamais le symbole de lautocratie russe.
Du temps de PIERRE LE GRAND l’ordre nétait attribué quà titre exceptionnel à des dignitaires et principalement pour faits darmes. Le premier chevalier élévé dans cet ordre a été le Général-Amiral F.A. GOLOVINE qui le reçu le 10 Mars 1699, le second fut attribué à MAZEPA, hetmán de la Petite Russie, cest-à-dire l’Ukraine à qui cette distinction fut conférée le 8 Février 1700 et retirée en 1708 pour crime de haute trahison. Quant à celui de PIERRE LE GRAND il voulut le mériter par un fait darmes personnel et décida de ne le recevoir que quand une occasion propice se présenterait. C’est en 1703 quil reçu les insignes de l’ordre pour avoir pris dassaut deux vaisseaux suédois qui sétaient aventurés dans l’estuaire de la NEVA.
Lors dun Te Deum de victoire célébré dans léglise de campagne de PIERRE 1er, le premier chevalier de l’ordre GOLOVINE lélevait au grade de chevalier en même temps que MENCHI- KOFF qui, en tant que lieutenant dans la compagnie des bombardiers participait à la même action.
PIERRE 1er conférait parfois cet ordre aux étrangers et cest ainsi que le 3ème chevalier fut PRINCENE, Ministre plénipotentiaire du Brandenburg, le 5ème, un saxon le comte BEIHLING et en 1712, PIERRE 1er reçu dans l’ordre AUGUSTE II roi de POLOGNE qui à son tour lui conféra l’ordre de l’Aigle Blanc. Pendant tout le règne de PIERRE 1er, seulement 38 nominations eurent lieu dont 24 à des russes et 14 à des étrangers.
Du temps de PIERRE 1er, l’ordre navait pas de statut et lon ne put jamais retrouver l’Ukase de son institution. Le seul statut connu fut donné à l’ordre par l’Empereur PAUL 1er le 15 Avril 1797 et resta en vigueur jusquà la révolution.
Citons-en quelques articles: § 291
L’ordre Impérial de St André «le premier élu» nexiste que dans une seule classe. § 292
Les insignes de l’ordre sont les suivants:
1) Croix de St André bleue sur aigle bicéphale surmonté de trois couronnes, sur la croix limage de lapôtre St André crucifié. Dans les 4 coins de la croix figurent les lettres latines S.A.P.R. en or, initiales de: «SANCTUS ANDREAS PATRO- NUS RUSSIAE». Au revers et au milieu de laigle la charte avec linscription: «Pour la foi et la fidélité».
2) Etoile octogonale en argent ayant en son milieu un aigle bicéphale noir sur champ dor surmonté de 3 couronnes. Au cœur de laigle la croix de St André sur champ bleu ciel, encerclé de la devise de l’ordre en lettres dor avec en bas deux branches de laurier liées par leurs extrémités. Létoile se porte sur le côté gauche de la poitrine.
L’insigne de cet ordre quand il est attribué pour faits darmes comporte deux glaives entrecroisés au-dessous de la couronne supérieure et sur l’étoile de façon à ce que le bouclier portant la devise et la croix de St André vienne recouvrir le croisement des glaives. Remarques
Les insignes attribués aux personnalités non chrétiennes voient la représentation de St André, de son chiffre et la croix remplacés par laigle impérial russe. § 295
Le règlement ne prévoit aucun cas précis méritant l’attribution de l’ordre qui dépend uniquement de lappréciation par le monarque des services rendus et des distinctions déjà obtenues par les hauts fonctionnaires de l’Etat. § 296
Les chevaliers de l’ordre de St André sont considérés comme faisant partie de la troisième classe dans les rangs de l’Etat, cest-à-dire à égalité avec les détenteurs du grade de lieutenant général, même si effectivement ils sont dun échelon plus bas en ce qui à trait au service. § 297
Les chevaliers de l’ordre de St André sont considérés comme détenteurs des trois ordres inférieurs: celui de St Alexandre Nevsky, de lAigle Blanc et de Ste Anne, même sils ne les détenaient pas avant leur élévation à l’ordre de St André. Les insignes de ces ordres leurs sont remis en même temps que ceux de l’ordre de St André «le premier élu».
L’ordre de St André a été également celui de la famille Impériale russe. Tous les grands ducs ou duchesses ayant le titre d’»Altesse Impériale» le recevaient en même temps que leur baptême; les princes ayant titre d’»Altesse» le recevaient à leur majorité, et il était accordé aux autres membres de la famille selon le bon vouloir du souverain.
Comme nous lavons mentionné plus haut cette décoration était particulièrement belle et lexécution des insignes, dune haute facture artistique. La croix et la chaîne qui se portaient en sautoir étaient en or, l’étoile en argent; elles ne furent jamais modifiées et si les insignes ouvragés du 18ème siècle et du début du 19ème siècle paraissent un peu grossiers ils furent toujours des pièces dart avec au revers le titrage de métal précieux et souvent le nom de lartisan.
Ces anciens titrages se distinguent par le fait quils sont souvent accompagnés de lindication de l’année de fabrication, cest ainsi que lauteur de cet article possède dans sa collection les insignes de l’ordre de St André faits en 1797.
Il est à noter que l’or est titré à 84, titrage que lon retrouve d’ailleurs plus tard sur des objets en argent, mais au 18ème siècle il figurait souvent sur les objets fabriqués en or.
Au musée dédié au Duc de WELLINGTON se trouve un autre exemplaire aussi parfait de cet ordre qui lui avait été conféré par l’Empereur ALEXANDRE 1er
Etant donné que le nombre de chevaliers de l’ordre de St André lapôtre et le «premier élu» est relativement restreint, ses insignes sont infiniment rares et de très grande valeur.
E. Mollo
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